Changement Climatique SCMO - 2007

Le Conseil de la SCMO a décidé, en septembre 2006, de demander au comité scientifique de la SCMO de préparer un énoncé de position détaillé de la SCMO au sujet de la science du changement climatique. À la suite du travail considérable réalisé par les membres du comité et à la révision par la direction, l’énoncé a été approuvé par le Conseil de la SCMO en décembre, sujet à l’insertion de commentaires à propos du nouvel enjeu de l’acidification des océans. Cette version révisée a été approuvée par la direction et le Conseil en mars 2007 afin d’être publiée.

Société canadienne de météorologie et d’océanographie Énoncé de position détaillé au sujet du changement climatique

La Société canadienne de météorologie et d’océanographie (SCMO) est une société d’envergure nationale composée de personnes et d’organismes qui se consacrent à l’avancement des sciences océanographiques et atmosphériques ainsi que des domaines environnementaux connexes au Canada. La SCMO compte plus de 800 membres issus d’importants centres de recherche, universités, entreprises privées et institutions gouvernementales au Canada. La SCMO a pour but d’offrir des conseils d’experts aux Canadiens au sujet de la science du changement climatique. Bon nombre des membres de la Société sont des spécialistes des sciences reconnus à l’échelle internationale qui participent étroitement aux évaluations approfondies de l’état actuel de la connaissance relative à cet enjeu complexe. Ce type d’évaluation exige que les scientifiques des domaines atmosphériques et océanographiques travaillent de concert avec les scientifiques des domaines environnementaux, sociaux et économiques qui y sont liés.

En guise de contribution à l’actuel débat public et politique sur cet enjeu important, l’énoncé qui suit porte sur l’état de la science du changement climatique et sur le besoin d’entreprendre une action immédiate:

L’état de la science
Le climat du Canada change de façon drastique

  • À l’échelle planétaire, les températures en surface moyennes ont augmenté d’environ 0,7 °C au cours du siècle dernier. Les neuf années les plus chaudes de cette période ont toutes été recensées au cours de la dernière décennie.
  • Bien qu’il subsiste des incertitudes considérables à propos des tendances des températures planétaires antérieures au siècle dernier, il existe des preuves convaincantes indiquant que les 50 dernières années ont été les plus chaudes des 1300 dernières années.
  • Les températures en surface moyennes pour l’ensemble du Canada sont désormais d’environ 1 °C plus élevées qu’elles ne l’étaient lorsque les observations météorologiques systématiques à la grandeur du pays ont commencé en 1948.
  • De nombreux autres aspects du climat du Canada, dont la dimension des glaciers, la couche de neige, la couche de glace sur les lacs et rivières, l’épaisseur de la glace sur l’Océan Arctique, l’étendue et la profondeur du pergélisol ainsi que les niveaux de la mer indiquent des tendances qui témoignent d’un Canada plus chaud.
  • Les changements climatiques affectent les écosystèmes et la faune du Canada. Certains impacts, comme l’augmentation de la durée et de la chaleur des saisons de végétation, sont bénéfiques. Par contre, d’autres impacts tels que la diminution de la biomasse forestière pour les insectes et la faune, ainsi que le stress subi par des espèces animales comme l’ours polaire et l’ongulé de l’Arctique sont nuisibles.
  • Il existe une preuve importante voulant que certains événements climatiques extrêmes, surtout les vagues de chaleur et les précipitations abondantes, se produisent de plus en plus couramment à l’échelle internationale. Au cours des récentes décennies, l’intensité de l’énergie dissipée par les tempêtes tropicales intenses semble avoir augmenté.
  • L’avis de certaines personnes selon lequel les dernières tendances climatiques ne sont pas sans précédent au cours des derniers milliers d’années et qu’elles peuvent ainsi s’expliquer parfaitement par la variabilité de la nature qui entraîne des changements (souvent désigné comme le « débat du bâton de hockey ») est basé sur des évaluations limitées qui comportent des failles évidentes. Bien que l’incertitude fasse partie de toutes les sciences, les recherches internationales sur le sujet continuent de réfuter constamment de telles conclusions.

Il existe une forte indication que les changements climatiques des 50 dernières années sont causés par l’homme

  • Les projections les plus complètes du climat futur reposent sur des modèles numériques du système climatique. Ces modèles sont basés sur des principes physiques fondamentaux. Après des décennies de recherche intensive par les scientifiques du Canada et d’ailleurs, les modèles peuvent à présent reproduire les conditions climatiques passées et actuelles avec une précision qui ne cesse d’augmenter.
  • Des simulations effectuées à partir de ces modèles, appuyées par des preuves observables, démontrent la présence d’un effet de serre naturel qui représente un aspect essentiel du système climatique planétaire, et qui augmente et diminue dans la concentration de gaz à effet de serre avec le temps, ce qui augmente ou diminue l’intensité de cet effet, et vice versa.
  • Il existe une preuve évidente, basée sur des données d’observation directe et des indicateurs indirects provenant de sources témoins comme les noyaux de glace polaire, qui confirme que les concentrations actuelles de gaz à effet de serre importants, surtout le dioxyde de carbone et le méthane, sont actuellement plus élevées qu’elles ne l’ont jamais été au cours des 650 000 dernières années.
  • L’augmentation de la concentration de dioxyde de carbone depuis la fin des années 1800 est surtout attribuable à la combustion de combustible fossile et en partie à l’appauvrissement de la végétation forestière.
  • Une vaste gamme de simulations des conditions climatiques antérieures effectuées à l’aide de modèles climatiques indiquent avec régularité que les changements de température à l’échelle planétaire et continentale survenus au cours des 50 dernières années correspondent parfaitement aux forçages liés aux émissions anthropogènes de gaz à effet de serre et d’aérosols.
  • Les changements de température ne peuvent être expliqués correctement par la variabilité naturelle ou par des causes naturelles de changement comme la variabilité de l’activité solaire ou les éruptions volcaniques. Par conséquent, les chercheurs participant à ces recherches sont convaincus à 95 % que les récents changements climatiques à l’échelle planétaire et continentale sont causés par les émissions anthropogènes.
  • Il n’est pas encore possible d’en arriver à des conclusions semblables pour la plupart des changements à l’échelle sous-continentale, exception faite de l’importante vague de chaleur de 2003 qui a frappé l’Europe, qui est raisonnablement attribuable à l’augmentation des températures planétaires.
  • Les tendances climatiques au Canada correspondent parfaitement aux conditions envisagées en raison des changements climatiques provoqués par l’homme.

Les projections relatives à l’augmentation future des concentrations de gaz à effet de serre et les conditions climatiques qui y sont liées préoccupent les scientifiques de la SCMO
  • Compte tenu de la charge atmosphérique déjà importante de gaz à effet de serre depuis la révolution industrielle, ainsi que de la très forte inertie et des longs délais qui caractérisent la réponse au forçage des gaz à effet de serre du système atmosphérique,océanique et de la biosphère, les changements climatiques à venir au cours des prochaines décennies sont inévitables.
  • Près de la moitié de tout le dioxyde de carbone émis par l’homme depuis le début du 19 e siècle a été absorbé par les océans, ce qui a causé une augmentation de la pression
  • partielle du dioxyde de carbone (pCO 2 ) au niveau des eaux de surface. Le changement de la pCO 2 réduira certainement la capacité d’absorption des océans lors des augmentations futures de gaz carbonique atmosphérique.
  • Il est possible que jusqu’à 20 % des émissions anthropogènes de CO 2 continueront de contribuer au réchauffement de la planète et à l’élévation du niveau de la mer pendant des milliers d’années en raison des longues périodes requises pour l’absorption par les océans, ce qui comprend la dissolution des sédiments de CaCO 3 .
  • Les augmentations futures des concentrations de gaz à effet de serre entraîneront pratiquement à coup sûr de plus amples augmentations des températures.
  • Compte tenu des incertitudes relatives aux augmentations futures des concentrations de gaz à effet de serre et à la réponse du système atmosphérique face à ces augmentations, les spécialistes prédisent que d’ici 2100, les températures en surface augmenteront d’au moins 2 °C et pourront possiblement atteindre une augmentation de 7 °C.
  • Les observations réalisées au cours du 20 e siècle indiquent que le réchauffement était disproportionnellement plus grand au-dessus du Canada, surtout au-dessus de la région de l’Arctique, où les tendances de température ont excédé les tendances de l’hémisphère Nord de 50 %. Les tendances projetées indiquent un signal encore plus important pour le 21 e siècle, avec une augmentation de température d’au moins 4 °C pour l’Arctique.
  • La réglementation sur la pollution atmosphérique, bien qu’elle soit essentielle à la santé humaine, aura pour effet de freiner les émissions d’aérosols et de gaz précurseurs qui créent des aérosols à la suite des réactions chimiques atmosphériques. Certains aérosols contenus dans l’atmosphère contribuent à refroidir la planète, et leur réduction affaiblit leur rôle visant à contrebalancer les gaz à effet de serre et mène à une augmentation à court terme du taux de réchauffement planétaire.
  • Le réchauffement océanique et la fonte des glaces terrestres causeront probablement une élévation du niveau de la mer d’environ 20 à 60 cm au cours du prochain siècle et encore bien plus au cours des siècles subséquents. Le réchauffement continu, au fil des millénaires, provoquera probablement la fonte complète de la couche de glace du Groenland, ce qui entraînera une élévation du niveau de la mer de 6 ou 7 mètres.
  • Les autres conséquences relatives au climat et aux conditions atmosphériques au Canada comprennent les suivantes:
    • réduction de l’étendue et saisons raccourcies des couches de neige terrestres ainsi que des couches de glace sur les lacs et rivières;
    • augmentations répandues de la profondeur du dégel en été dans les régions du pergélisol;
    • rétrécissement de la couverture des glaces de la mer Arctique, y compris une possibilité de disparition complète en fin d’été vers la fin du présent siècle;
    • une augmentation continue de la fréquence et de l’intensité des chaleurs extrêmes, des vagues de chaleur et des précipitations abondantes;
    • un léger déplacement vers le pôle des trajectoires de tempêtes, y compris une augmentation de l’intensité des vents et des précipitations dans les régions polaires; et
    • des conditions plus humides, en moyenne, pour l’ensemble des régions nordiques du Canada et une augmentation potentielle de la fréquence des sécheresses intenses dans le sud du Canada.


Les changements climatiques prévus auront des conséquences importantes sur les écosystèmes du Canada et de la planète, ainsi que sur l’infrastructure socio-économique

  • Au Canada, on prévoit que l’augmentation des températures et les changements météorologiques entraîneront :
    • des bénéfices considérables par rapport aux besoins énergétiques pour le chauffage en raison de la saison hivernale raccourcie, de saisons de croissance plus longues et plus chaudes, de saisons de navigation maritime prolongées et d’amélioration de la productivité écologique; cependant
    • un changement drastique dans le système social et écologique de l’Arctique causé par une réduction des couches de glace sur les mers, lacs et rivières, ainsi qu’une instabilité terrestre accrue en raison de la fonte du pergélisol et des changements météorologiques;
    • des pertes accrues de forêts causées par des infestations d’insectes et des incendies;
    • un nombre accru de journées d’été chaudes et de vagues de chaleur, y compris une dégradation relative de la qualité de l’air, une augmentation des problèmes de santé d’ordres pulmonaire et cardio-vasculaire, ainsi qu’une augmentation des besoins énergétiques pour la climatisation des espaces, ce qui à son tour aura pour effet de dégrader la qualité de l’air;
    • une augmentation des précipitations abondantes ayant des répercussions sur la gestion des ressources d’eau et sur les inondations;
    • un plus grand risque de sécheresse en période estivale, surtout dans les régions où le débit des cours d’eau provient du ruissellement printanier et estival, causé par une diminution de l’accumulation de neige et par la fonte des glaciers des montagnes Rocheuses; et
    • une augmentation du risque de dommages causés par les ondes de tempêtes dans les régions côtières en raison des niveaux de la mer élevés, et des systèmes météorologiques plus intenses;
  • Plus grands dangers pour les animaux en voie de disparition, oiseaux et poissons où les changements climatiques ont un effet néfaste sur leur habitat et leur approvisionnement alimentaire. Certaines espèces comme l’ours polaire, le phoque de l’Arctique, les poissons dulçaquicoles et les espèces migratrices de saumons du Pacifique soulèvent des préoccupations particulières. À l’échelle planétaire, les impacts seront disproportionnellement néfastes pour les pays en développement. En raison de la pauvreté généralisée de la plupart de ces pays, leur capacité d’adaptation est limitée. De plus, comme la plupart de ces pays sont situés dans des endroits chauds et secs à des latitudes inférieures, les températures plus chaudes augmentent les niveaux de stress subi par les écosystèmes et la société, alors que l’augmentation des sécheresses accroît considérablement les risques de famine.
  • L’acidification océanique causée par le dioxyde de carbone aura un impact sur les écosystèmes marins. Ces impacts peuvent comprendre une réduction de la capacité des créatures à coquillage et des coraux de produire le carbonate de calcium dont ils ont besoin pour leurs carapaces et leurs structures squelettiques.
  • Des économistes reconnus, et plus récemment la Stern Review on the Economics of Climate Change, indiquent que, vers la fin du 21 e siècle, les coûts annuels potentiels à l’échelle planétaire engendrés par le réchauffement climatique risquent d’atteindre les billions de dollars.
La réduction des émissions de gaz à effet de serre ainsi les mesures d’adaptation et d’atténuation sont essentielles à la réduction des dommages causés par le changement climatique

  • Une fois introduit dans l’atmosphère, le dioxyde de carbone demeure en suspens pendant au moins quelques centaines d’années, et 15 à 20 % de ce gaz demeure dans l’atmosphère pendant des dizaines de milliers d’années, ce qui garantit pratiquement une continuité du réchauffement de la planète et de l’élévation du niveau de la mer. Par conséquent, le Canada doit absolument s’occuper des mesures d’adaptation et même d’atténuation au cours des décennies à venir afin de réduire les conséquences néfastes et de tirer avantage des possibilités offertes par le changement climatique.
  • L’impact le plus direct qu’a l’humain sur le changement climatique est attribuable aux émissions de gaz à effet de serre. La réduction immédiate des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle planétaire peut faire partie de l’approche visant à atténuer les conséquences néfastes des changements planétaires prévus.
L’amélioration de la compréhension scientifique est essentielle

  • Il existe une forte indication selon laquelle le climat subit un changement et les humains ont contribué de façon importante à ce changement. Cependant, les systèmes atmosphériques, océaniques et celui de la biosphère sont très complexes, et il subsiste des incertitudes qui doivent être abordées afin d’augmenter la précision des projections climatiques. L’efficacité des politiques d’adaptation et d’atténuation dépend essentiellement de l’amélioration de la compréhension scientifique, qui permettra d’en arriver à des prévisions plus précises à propos des changements nécessaires à l’adaptation et à la façon de réduire les impacts. Cependant, le besoin de poursuivre la recherche scientifique sur le climat ne doit pas justifier les délais dans la mise en œuvre de mesures d’atténuation visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Appel à l’action

  • La science du changement climatique est un domaine d’étude rigoureux. Les découvertes qui y sont faites sont étudiées et évaluées périodiquement dans le cadre d’un effort international dirigé par les Nations Unies et l’Organisation météorologique mondiale (OMM), connue sous le nom du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (IPCC). Le troisième rapport d’évaluation de l’IPCC (2001) a permis de conclure que la prépondérance de la preuve suggère que l’humain a une influence visible sur le climat à l’échelle planétaire. Les résultats publiés depuis ce temps dans les revues révisées par les pairs n’ont fait que renforcer cette conclusion (le quatrième rapport d’évaluation de l’IPCC sera publié au début de 2007).
  • Compte tenu de la charge actuelle et croissante des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, le réchauffement futur est inévitable. Puisque les changements se produiront plus rapidement qu’à n’importe quelle époque au cours des 650 000 dernières années, les politiques et programmes d’adaptation adéquats doivent être mis en place pour nous aider à augmenter notre capacité d’adaptation. Nous avons un besoin immédiat de protection contre le changement climatique.
  • La réduction des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle planétaire ne peut être le fruit des efforts d’un seul pays; tous les pays doivent en effet contribuer à l’atteinte de cet objectif mondial.
  • Les systèmes atmosphériques, océaniques et de la biosphère sont très complexes. Notre capacité de faire des projections climatiques détaillées est retardée par le manque de précision sur le plan de la caractérisation des rétroactions et des processus importants. De plus amples études des processus, évaluations des renseignements sur le paléoclimat, modélisations et observations sont nécessaires afin de comprendre et d’améliorer les prévisions relatives au changement climatique à l’échelle planétaire et, surtout, régionale. La recherche est essentielle à notre capacité d’adaptation aux effets du changement climatique et à leur atténuation.