Annexe A. Changements climatiques des océans

Cette annexe a été entérinée par le conseil de la SCMO et sera soumise pour adoption lors de l'assemblée générale 2015.

La température de l’océan

Des mesures de température de l’océan parviennent régulièrement de stations depuis les années 1950. Nous possédons des preuves évidentes que les océans se réchauffent et que ce réchauffement s’étend dans les profondeurs marines. Pour une quantité donnée de chaleur, la température de l’air augmentera plus que celle de l’eau de mer. Ainsi, même si les changements de températures atmosphériques et marines sont comparables, les océans ont accumulé quarante-cinq fois plus de chaleur que l’atmosphère.

Le réchauffement anthropique est plus important près des pôles. En conséquence, les océans canadiens ont connu des hausses de températures supérieures à la moyenne mondiale. L’océan Arctique se réchauffe particulièrement rapidement. Durant l’été, de grandes régions demeurent maintenant libres de glace. En l’absence de glace, ces régions reflètent moins de rayonnement solaire et en absorbent plus qu’avant.

Les changements de températures de l’océan influent sur la répartition géographique et le cycle saisonnier des organismes marins, à tous les niveaux de la chaîne alimentaire, des phytoplanctons photosynthétiques aux poissons et baleines. La température n’est pas le seul facteur déterminant l’habitat du biote marin. Conséquemment, un simple décalage vers le nord d’écosystèmes entiers n’est pas à prévoir. Des modifications du cycle saisonnier et de la répartition des espèces perturberont les interactions entre les proies, les prédateurs et les compétiteurs, et entraîneront des changements substantiels dans les eaux canadiennes.

La hausse du niveau de la mer

Le niveau de la mer monte actuellement d’environ trois millimètres par année, en raison de l’expansion thermique de l’eau, et de la fonte des glaciers et des nappes glaciaires. Une première approximation raisonnable montre qu’il s’agit d’une tendance mondiale uniforme, si on la considère sur une période assez longue (p. ex., plus de 30 ans), sauf en ce qui concerne les effets du relèvement isostatique. En raison du réajustement des continents suivant la fonte des grandes nappes de glace de la dernière période glaciaire, les littoraux aussi se soulèvent et s’affaissent, compensant ou accélérant ainsi la hausse du niveau de la mer selon la région. L’extrapolation à partir du taux moyen actuel d’augmentation mondial du niveau de la mer prévoit une hausse de trente centimètres (un pied) sur cent ans. Néanmoins, il faut tenir compte que même avec cette hausse limitée, ce qu’on considère actuellement comme une onde de tempête extrême se produira plus fréquemment qu’avant (p. ex., les événements qui ne reviennent qu’une fois tous les cent ans se manifesteraient tous les 20 ou 25 ans, tandis que ceux revenant tous les 50 ans, surviendraient tous les 5 ou 10 ans) même si la fréquence et l’intensité des tempêtes demeurent inchangées.

Nous ne savons pas combien les nappes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique perdront d’eau douce ni à quelle vitesse. Il semble que même si les nappes glaciaires disparaissaient (produisant une hausse du niveau de la mer de plus de soixante mètres), leur fonte s’étendrait sur des centaines d’années. En ce qui concerne les cinquante prochaines années, la probabilité que les nappes glaciaires contribuent notablement à la hausse du niveau de la mer reste faible. Mais il faut garder à l’esprit que nos estimations de référence (expansion thermique et rétrécissement des petits glaciers des latitudes moyennes et basses) représentent une limite inférieure.

La glace marine

L’étendue de la glace marine a fait l’objet d’observation en continu sur toute la planète depuis l’aube de l’ère moderne de l’observation de la Terre par satellite, en 1978-1979. La quantité de glace de mer arctique estivale montre une tendance constante à la baisse tout au long des relevés, et cette tendance s’accélère. Bien que la variabilité naturelle détermine grandement les variations à court terme, il n’existe aucun processus naturel connu qui puisse produire cette tendance générale.

Les modèles de climat prévoient que l’Arctique sera libre de glace pendant une partie de l’année, au cours de ce siècle, mais la variabilité annuelle naturelle pourrait permettre que ce phénomène survienne dès 2020. Le record d’étendue minimale de glace observé en septembre 2012 (3,4 millions de kilomètres carrés) représentait à peu près la moitié de la moyenne calculée pour ce mois, entre 1979 et 2000. L’épaisseur de la glace diminue aussi, y compris dans les régions où la glace vieille de plusieurs années est la plus épaisse et la plus ancienne.

La disparition de la glace de mer touche déjà les habitants et la faune de l’Arctique. Il faut aussi tenir compte du fait qu’au Canada la glace marine se forme ailleurs qu’en Arctique, notamment dans le golfe du Saint-Laurent et dans la mer du Labrador. La perte de glace de mer peut exacerber l’acidification de l’océan et les impacts de la hausse du niveau de la mer sur les infrastructures côtières. Elle ouvrira aussi de nouvelles régions de l’Arctique à la navigation et à l’extraction de ressources; des activités qui présenteront des avantages aussi bien que de nouveaux risques environnementaux.

La stratification

L’océan est stratifié. L’eau peu dense, chaude ou douce ou les deux, se tient au-dessus de l’eau de densité supérieure. À mesure que la Terre continuera à se réchauffer, la stratification de l’océan augmentera; en général, à cause du réchauffement de la surface et, à certains endroits, à cause de l’apport accru d’eau douce en surface. Ce renforcement de la stratification a déjà été observé dans plusieurs régions de l’océan.

Dans bon nombre de régions, le manque de nutriants limite la croissance des planctons végétaux. Une augmentation de la stratification tendra à diminuer le transport de nutriants vers les couches superficielles ensoleillées de l’océan et ralentira la croissance de ces planctons.

L’acidification de l’océan

Les océans ont absorbé près de 40 % du CO2 issu des combustibles fossiles et émis depuis la révolution industrielle. Le CO2 acidifie l’eau de mer et la rend corrosive pour les minéraux contenant du carbonate de calcium (CaCO3), qu’une grande variété d’animaux marins utilisent pour former leur coquille et leur exosquelette. L’acidification des océans n’est pas une conséquence des changements climatiques, mais plutôt un effet séparé et parallèle, qui résulte de l’augmentation du CO2. Le CaCO3 n’est pas dissous naturellement à la surface des océans, mais il l’est en profondeur, en raison de la présence de CO2 en solution. Mondialement, cette réaction s’effectue de moins en moins profondément. Ce seuil demeure naturellement peu profond dans les latitudes moyennes à élevées, et notamment dans le Pacifique Nord. En conséquence, les eaux canadiennes s’avèrent particulièrement vulnérables. En outre, l’apport d’eau douce issue de la fonte de la glace amoindrit l’effet tampon de l’eau de mer contre les changements de pH que cause le CO2. Des eaux près de la surface qui peuvent dissoudre le CaCO3 ont déjà été observées dans l’Arctique canadien.

La désoxygénation de l’océan

Les animaux marins (sauf les oiseaux et les mammifères, qui respirent l’air) dépendent de l’oxygène dissous dans l’eau de mer. Toutefois, la concentration d’oxygène déclinera sous un climat se réchauffant. Le mélange et le transport des eaux superficielles vers le bas s’avèrent les seules sources d’oxygène de la subsurface de l’océan. La quantité d’oxygène qui se dissout dans l’eau de mer est principalement fonction de la température. À mesure que la température superficielle de la mer augmente, la concentration au « temps zéro » (la concentration quand la masse d’eau quitte la surface) baisse. L’intensification de la stratification thermique freine le transport de l’oxygène vers la subsurface de l’océan, mais peut aussi diminuer l’oxygène que consomment les organismes de la subsurface. Le flux descendant de matières organiques est censé décliner légèrement à mesure que l’océan se stratifie. Actuellement, les concentrations d’oxygène de la subsurface semblent décroître à un taux beaucoup plus grand que ne peut l’expliquer l’effet de la température sur la seule solubilité. Toutefois, les séries de données restent encore trop courtes pour distinguer nettement les tendances à long terme et la variabilité naturelle.